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La deuxième vie d’Anne Lister, aventurière lesbienne oubliée

Plus d’un siècle et demi. C’est le temps qu’il a fallu pour que l’extraordinaire destin de la Britannique Anne Lister, morte lors d’un voyage dans le Caucase, en 1840, se fasse connaître du public. Diffusée sur HBO en 2019, la série « Gentleman Jack », bien qu’interrompue en 2022 après deux saisons, a été un succès et a attiré l’attention du monde anglo-saxon sur cette énième « grande oubliée » de l’histoire. Son scénario s’inspire librement des foisonnants écrits de cette diariste et aventurière de la première moitié du XIXe siècle pour raconter une partie de sa vie.
Dans les années 1830, de retour dans son Yorkshire natal après des voyages à travers l’Europe, Anne Lister, surnommée « Gentleman Jack », reprend en main le domaine familial et entreprend de gagner le cœur d’une riche héritière du coin. Séductrice invétérée toujours vêtue de noir, forte tête à qui le privilège de classe permit de vivre sa vie comme elle l’entendait, « Fred », comme l’appelaient ses proches, y est dépeinte conformément à sa légende de « première lesbienne moderne ».
En cette rentrée littéraire, un roman se penche sur un épisode de son adolescence : Une fille que j’ai embrassée, de l’Irlandaise Emma Donoghue (Presses de la Cité). La passion de l’écrivaine de 54 ans pour l’aventurière remonte aux années 1990. Elle l’a découverte par hasard alors qu’elle étudiait la littérature anglaise à l’université de Cambridge. Son livre revient sur la première histoire d’amour d’Anne Lister, à 15 ans, avec Eliza Raine, la fille riche mais illégitime d’une mère indienne et d’un père anglais.
Au printemps 2020, profitant du confinement, l’autrice du best-seller Room (2010) s’est lancée dans des recherches assidues sur l’adolescence d’Anne Lister. Grâce à Facebook et Twitter, elle fait appel à la communauté resserrée des fans, et monte le Diary Transcription Project. Depuis les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada, les admiratrices de l’écrivaine l’aident à retranscrire et déchiffrer les passages inédits de ses journaux, ainsi que sa correspondance avec Eliza Raine, disponible dans les archives mais jusque-là très peu exploitée.
Pour Emma Donoghue, cela ne fait aucun doute : l’écrivaine n’a pas obtenu la place qu’elle mérite dans l’histoire littéraire britannique pendant des décennies parce qu’elle était homosexuelle. Avec ses onze mille pages, le journal d’Anne Lister (le plus important, en volume, de la littérature anglaise) a longtemps dérangé, tant dans le fond que dans la forme.
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